De l’« alt-right » à l’extrême droite tout court

Pendant la première campagne de Donald Trump, un mouvement d’extrême droite a gagné en légitimité politique grâce au candidat républicain : l’« alt-right ». Steve Bannon, défendant le même type de préjugés et d’idées, dirigeait alors la campagne du futur président.

Quatre ans plus tard, ses principaux acteurs sur la scène médiatique enchaînent les déboires. Steve Bannon a été arrêté et accusé de fraude. Le suprémaciste blanc Richard Spencer fait aussi face à la justice. La désignation « alt-right » a presque disparu des médias. Mais les adeptes de son idéologie sont toujours actifs.

Le terme « alt-right » a été inventé par Richard Spencer comme une nouvelle marque pour la droite radicale, explique Shannon Reid, de l’Université de Caroline du Nord à Charlotte. « C’était pour dire : oh, ce n’est pas la “vieille” droite radicale, c’est une nouvelle “alt-right ”, une droite alternative. Ça faisait en sorte d’avoir l’air moins raciste. »

Elle a coécrit Alt-Right Gangs, un essai paru le mois dernier portant sur ces groupes ayant adopté l’idéologie ou les symboles de l’extrême droite, et versant dans l’illégalité.

La professeure adjointe au département de justice criminelle et criminologie préfère d’ailleurs le mot gang à celui de mouvement : elle voit des parallèles entre ces groupes et les bandes criminelles traditionnelles.

« Nous traitons ces groupes comme s’ils étaient tellement différents des gangs de rue, mais la différence en réalité est qu’ils essaient de tomber sous ce parapluie idéologique, alors que ce n’est pas une réelle préoccupation pour eux », avance -t-elle, ajoutant qu’on met beaucoup de soins à tenter d’étiqueter les groupes blancs violents – et beaucoup moins lorsqu’il s’agit de Noirs.

Le groupe Proud Boys, auquel le président Trump a dit de reculer et de se tenir prêt lorsqu’il a été invité à condamner le suprémacisme blanc dans le premier débat présidentiel de 2020, fait partie de ces gangs, juge -t-elle.

En hausse sous Trump

Heidi Beirich, cofondatrice du Global Project Against Hate and Extremism, est catégorique : « Il y a eu une hausse du nombre de ces organisations sous Trump, à la fois les groupes de suprémacistes blancs, les groupes haineux et les groupes antigouvernement. »

Une hausse, aussi, des crimes haineux qui ont atteint en 2018 un sommet inégalé en 16 ans, selon les chiffres du FBI. Un peu plus de la moitié ont été commis par des Blancs, mais ces statistiques répertorient tout type de crimes motivés par la haine. Les données de 2019 et 2020 ne sont pas encore accessibles.

Les experts notent que les groupes d’extrême droite ne sont pas nécessairement centralisés, avec une structure. Certains ont des membres actifs seulement en ligne, où ils diffusent leur message et se regroupent virtuellement.

D’autres adeptes d’une idéologie haineuse n’hésitent pas à recourir à la violence directe. Un homme a fait irruption dans une synagogue en criant des propos antisémites en 2018 à Pittsburgh. Il a été accusé d’avoir tué 11 personnes. À El Paso, en 2019, un homme a ouvert le feu dans un magasin, tuant 23 personnes. Le suspect aurait écrit des messages racistes et aurait ciblé la ville – où il n’habitait pas – en raison de sa forte population hispanique.

Charlottesville et l’« alt-right »

La manifestation néonazie à Charlottesville en 2017, au terme de laquelle un homme a été condamné pour avoir tué une manifestante antiraciste en fonçant dans une contre-manifestation avec sa voiture, a causé un tournant dans le discours public concernant l’« alt-right ».

« Quand les gens ont commencé à associer l’alt-right avec les suprémacistes blancs, [les utilisateurs du terme] ont vu que ça ne marchait plus. »

— Heidi Beirich, cofondatrice du Global Project Against Hate and Extremism

Pour elle, la solution pour réduire l’impact de ces groupes est de leur retirer l’accès aux différentes plateformes des réseaux sociaux. « On a vu que ça pouvait être efficace », dit-elle. Cela ne change pas les croyances, mais rend le recrutement plus difficile, souligne-t-elle.

Le rayonnement en ligne de ces groupes, décentralisés, pour la plupart, peut aussi faire des émules, craint Shannon Reid.

« Souvent, ce qu’on voit, dans les gangs, ce sont les aspirants [wannabe] qui peuvent causer des problèmes, ce sont ceux qui veulent démontrer leur appartenance à un groupe », explique celle qui a beaucoup étudié les gangs criminels.

Violences autour du vote

À l’approche de la date officielle des élections, de nombreux spécialistes s’inquiètent particulièrement de violences entourant le vote.

Alexander Ross, professeur adjoint à l’Université d’État de Portland et chercheur au Centre for Analysis of the Radical Right, a commencé en juin à recueillir des données sur l’intimidation et la violence des groupes d’extrême droite, particulièrement dans le cadre des manifestations de Black Lives Matter (BLM).

Depuis le début du vote par anticipation, des électeurs ont signalé de l’intimidation près de bureaux de vote.

« Selon mes données préliminaires, ce sont dans les mêmes endroits chauds où il y a eu des actions anti-BLM », précise-t-il.

Suivant ces données, il craint une hausse des cas d’« évènements haineux » causés par la droite radicale – allant de l’intimidation à la violence physique – en Pennsylvanie, en Caroline du Nord et en Floride, trois États-pivots qui ont connu des tensions.

Deuxième débat présidentiel

Plus cordial.. mais plus négatif

Malgré un deuxième affrontement plus apaisé sur la forme et dans le ton jeudi soir, les leaders républicain et démocrate ont davantage insisté sur les faiblesses de leur adversaire que lors du premier débat, montrent des données colligées par La Presse. Si Donald Trump a beaucoup moins mis l’accent sur les questions de défense nationale, Joe Biden a de son côté insisté sur le thème de la Chine.

Le vocabulaire choisi compte en effet pour beaucoup lorsque vient le temps d’interpréter les stratégies électorales des deux camps. Après avoir prononcé 15 fois le terme « military » à la fin septembre, le président républicain semble être passé à autre chose, jeudi ; il ne l’a utilisé que 3 fois. Son usage du mot « Black », quasi absent lors du dernier débat, a toutefois fait surface à 13 reprises.

« La direction de la campagne républicaine a visiblement réussi à discipliner son président, pour une fois, et à l’amener à suivre un plan de match de manière bien plus sérieuse », affirme Charles-Philippe David, expert en science politique et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

Pendant ce temps, les démocrates, eux, semblent avoir choisi la Chine comme angle d’attaque ; M. Biden a abordé le sujet à au moins 26 reprises lors du deuxième débat, contre 23 pour le président sortant. Il y a quelques semaines, ce ratio était de seulement 3 contre 10.

Fait intéressant : jeudi soir, l’argument « Obama » – souvent considéré comme un argument de taille pour les démocrates – a été davantage utilisé par le camp républicain, M. Trump ayant prononcé 11 fois le nom de l’ancien président, contre 3 pour M. Biden. « Il ne faut pas oublier que c’est un angle d’attaque pour les républicains aussi, dit M. David. [Barack] Obama n’a pas remporté tous les votes en 2012. Et il est honni par de nombreux républicains, pas loin derrière Hillary Clinton. Pour moi, cette association de Trump est donc très intentionnelle. »

Plus de « sentiments » négatifs

Selon nos données, les « sentiments » des interventions des deux candidats, calculés à l’aide d’un modèle entraîné sur le web pour interpréter la nature de termes employés, étaient beaucoup plus négatifs jeudi, en moyenne. À peine 30 % des termes de M. Biden et de M. Trump étaient « positifs », ce qui est bien en deçà des performances du premier débat, où on avait recensé près de 40 % d’interventions positives.

« Cette idée de campagne négative n’est pas nouvelle, mais c’est certain qu’elle est plus agressive en raison de la présence de Donald Trump. On peut seulement se réjouir, cette fois, d’avoir pu au moins entendre quelques arguments de contenu. »

— Charles-Philippe David, expert en science politique et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM

Un changement de rythme a en effet été observé lors de cet ultime affrontement, la durée moyenne des interventions ayant largement augmenté. Signe qu’il a développé plus longuement ses arguments, Biden a parlé en moyenne 20 secondes sans interruption, contre 8 en septembre. Trump, lui, a totalisé 13 secondes en moyenne, contre 6 la dernière fois.

Si le nombre d’interventions du républicain demeure supérieur à celui du démocrate, à 168 contre 114, le temps de parole de l’ancien vice-président a dépassé celui de son adversaire de 58 secondes.

En Floride, Trump vante sa performance face à « Joe l’Endormi »

À 11 jours de la présidentielle, Donald Trump a poursuivi vendredi sa course aux électeurs depuis la Floride où il a vanté sa performance lors du débat de la veille face à son rival démocrate, Joe Biden. Pour le président américain, aucun doute : il en est sorti vainqueur, et ce débat pourrait marquer un tournant dans la course à la Maison-Blanche. « Joe Biden a montré [jeudi] soir qu’il n’était pas capable d’être président des États-Unis », a-t-il lancé depuis The Villages, plus grande communauté de retraités en Floride. Il est longuement revenu sur la déclaration de son rival démocrate affirmant que, s’il était élu, il se « détournerait progressivement de l’industrie pétrolière ». « Cela pourrait être une des pires erreurs de l’histoire des débats présidentiels », a lancé le locataire de la Maison-Blanche.

— Agence France-Presse

Deux fois plus de morts d’ici février si le masque n’est pas plus porté

Le nombre de morts de la COVID-19 devrait passer de 223 000 à 500 000 d’ici le début du mois de février, selon une nouvelle étude américaine. Si le taux de port du masque augmente de 50 % à 85 %, le bilan sera seulement de 405 000 morts, soit 95 000 de moins. « Augmenter l’utilisation du masque est l’une des manières faciles de gagner », a expliqué vendredi Christopher Murray, de l’Université de l’État de Washington à Seattle, qui était l’auteur principal de l’étude publiée dans la revue Nature Medicine. Si 95 % des Américains portent leur masque dans les endroits publics fermés et à l’extérieur quand il est impossible de rester à plus de deux mètres d’autrui, le bilan sera « seulement » de 370 000 morts, soit une augmentation de 67 %, contre une augmentation de 120 % si le port du masque reste à 50 %. La même équipe d’épidémiologistes avait prédit à la mi-juillet que le bilan de la COVID-19 aux États-Unis allait être de 224 000 à la fin octobre. — Mathieu Perreault, La Presse

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